Le dérèglement climatique n’est plus une vue de l’esprit.
Chaque année, chaque mois, chaque semaine presque, nous sommes spectateurs, un peu partout dans le Monde, de fortes perturbations, qui entraînent des précipitations élevées et des inondations répétées. La France n’a pas été épargnée ces dernières semaines et l’Espagne se relève à peine des dernières intempéries qui ont fait des centaines de morts et de disparus. Mais elles n’ont pas davantage épargné le Brésil en avril, l’Asie du Sud-est en juillet (Népal, Bangladesh, Inde, Pakistan) ou l’Afrique centrale (Libéria, Nigéria, Mali, Niger, Tchad …) en septembre …
Et lorsque les pluies ne sont pas de la partie, ce sont des périodes de sécheresse et des températures élevées, facilitant les feux de forêts, qui impactent notre quotidien (en Amazonie, en Équateur, avec près de 5.000 feux de forêts, dans l’ouest des États-Unis avec les forêts tempérées de conifères, et l’Alaska, le nord du Canada et de la Russie, couvertes par les forêts boréales). L’ONU estime que le monde a perdu 70% de ses zones humides au cours du siècle dernier.
D’une manière ou d’une autre, de nombreux secteurs d’activité subissent de plein fouet ces aléas climatiques, au premier rang desquels celui de l’agriculture.
Sommes-nous totalement impuissants face aux assauts répétés de la nature ? ces dérèglements sont-ils véritablement irréversibles ? devrons-nous changer de mode de vie ou chercher à nous adapter pour surmonter ces nouvelles conditions de vie ?
Une prise de conscience mondiale
La constatation du dérèglement climatique ne date pas d’aujourd’hui. Et la prise de conscience est internationale, puisque, rappelons-le, en 2025, se déroulera, au Brésil à Belém, la 30ème Conférence internationale des Parties sur le climat (COP), sous le haut patronage des Nations Unies.
30 années de réflexion, à défaut d’actions d’ampleur, sur le changement climatique, les efforts à entreprendre et de constats implacables.
Depuis la 1ère Conférence de Berlin en 1995, on aura bien noté quelques grands engagements (le protocole de Kyoto de 1997 – COP 3 et la Conférence de Paris – COP 21 de 2015) et une prise de conscience progressive du réchauffement de la planète, mais on aura surtout constaté une forme de léthargie des presque 200 pays qui, après avoir présenté leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), ont pourtant connu les plus grandes difficultés à entamer des plans de « décarbonation » de leur économie.
Chacun peut désormais le constater : les rejets (émission de polluants, eaux usées, production de déchets, etc.), la dégradation et l’appauvrissement des sols, l’impact de l’habitat et l’excès de bétonisation, l’utilisation irraisonnée des ressources, générés par les activités humaines ont des répercussions directes sur l’environnement.
Ainsi, les différents modes de transport, les types de production (raffinage, énergie, électricité par le charbon ou le gaz), l’utilisation de fluides de refroidissement ou de fluides frigorifères, qui atteint la couche d’ozone, les exploitations minières, les industries chimiques et industries lourdes, l’utilisation abondante et irraisonnée de pesticides en agriculture, l’utilisation de produits chimiques volatils, l’incinération des déchets, ont un effet sur le réchauffement de la planète, par l’émission de dioxyde de carbone, de gaz à effet de serre. Ils détériorent la qualité de l’air, acidifient les lacs et les rivières, génèrent des pluies acides, déposent des polluants atmosphériques sur les terres et sur les plans d’eau. Les effets sur la santé humaine et la vie sauvage sont indéniables et conduisent, pour les humains, à des troubles des voies respiratoires supérieures et l’augmentation du nombre d’hospitalisations.
Par ailleurs, la pollution des eaux souterraines et plus généralement des fleuves, des mers et des océans est tellement élevée qu’elle risque de devenir périlleuse pour la survie même de notre planète et de ses habitants, à l’image d’une maladie qui ronge de l’intérieur, qui atteint la plupart de nos organes jusqu’à l’apparition de symptômes irréversibles. Ce qui ne se voit pas n’en est pas moins dangereux, bien au contraire, voire pernicieux.
Le captage excessif des eaux destinées à la consommation (eaux de source dites naturelles, par exemple, mais qui deviennent de plus en plus contaminées) et aux usages domestiques ou utilisées à des fins industrielles, les modes d’irrigation, l’enfouissement des déchets dont certains sont très dangereux et la multiplication des décharges plus ou moins sauvages à ciel ouvert, les réservoirs de carburants, le déboisement, l’artificialisation des sols (bétonnage), la gestion des fumiers d’origine animale conduisent globalement à la baisse de la qualité de l’eau souterraine, à la dégradation de la qualité de l’eau potable et des sources naturelles, à la baisse des nappes phréatiques.
Les fleuves, mers et océans sont eux impactés par les rejets industriels, les rejets d’eaux usées (égouts, ruissellements des zones urbaines), par l’immersion de déchets de toute nature (pétrochimiques, y compris nucléaires), l’intensification des pratiques de pêche commerciale, les dégazages sauvages des navires commerciaux, les chutes de conteneurs maritimes, le déboisement des côtes, la destruction des terres humides. Conséquence : une dégradation des habitats marins, entraînant la baisse ou la migration massive des populations de poissons, la multiplication des maladies, l’invasion d’espèces exotiques, la disparition de la flore et de la faune marines et un impact économique certain sur les métiers de la pêche, qui souffrent de la raréfaction, voire de la disparition d’un certain nombre d’espèces.
De même, le déboisement des rives, la collecte, l’entreposage et l’élimination des déchets agricoles, l’épandage expansif des pesticides, l’assèchement et l’élimination des espaces humides, l’artificialisation des sols, les rejets de toute sorte (industriels, polluants, carburant, eaux de ballast dans les navigations maritimes et de plaisance, eaux usées…), les décharges, la construction d’infrastructures (digues, ponts et autres ouvrages, …), contribuent à la diminution de la biodiversité, l’accroissement des eaux de ruissellement et de l’érosion des sols, la détérioration de la qualité de l’habitat des poissons et d’autres organismes aquatiques, la décroissance des espèces de poissons et parallèlement l’implantation d’espèces exotiques nuisibles au détriment des faunes résidentes, la dégradation de la qualité de l’eau (polluants, bactéries, etc. …), la prolifération des algues, entre autres sur les bords de plage (en méditerranée, en Vendée ou sur les côtes bretonnes).
Enfin, l’exploitation irraisonnée des sols, que ce soit en matière agricole (remembrement, utilisation d’engrais et fertilisants, production intensive, épandage de fumier d’origine animale, herbicides), que ce soit dans l’exploitation des espaces forestiers (déboisement au profit de l’expansion rurale ou urbaine), que ce soit l’implantation de structures de loisirs (golfs, villages de vacances, parcs de loisirs, …) qui requièrent une utilisation massive d’eau, que ce soit l’exploitation des ressources minières, de carburants, de gaz, de sable, ou encore une artificialisation des sols par une bétonisation a pour effet d’appauvrir les ressources renouvelables et non renouvelables, de contaminer durablement les nappes souterraines, d’accélérer l’érosion, la dégradation des habitats sauvages, le ruissellement des eaux pluviales qui ne parviennent plus à pénétrer en profondeur dans les terres.
Des dérèglements en chaîne qui n’épargnent plus aucun territoire : l’Europe constate les dégâts …
Depuis des années, les épisodes de sécheresse et de fortes perturbations atmosphériques se succèdent.
On assiste à une multiplication des incendies de forêts, principalement dans les pays du sud : Portugal, Espagne, Grèce, France, … ; en cause, principalement, l’assèchement des sols, le manque d’entretien des espaces boisés, le manque d’anticipation lors des départs de feux en termes de surveillance, le positionnement préventif des forces d’intervention insuffisant ou inexistant, les mécanismes de solidarité entre pays trop longs …
Mais on note également l’intensification des épisodes pluvieux, avec de très fortes précipitations en un minimum de temps. C’est ce que l’on a constaté en Europe centrale, à la mi-septembre, en Tchéquie, en Autriche, dans le sud de la Pologne, en Roumanie, en Slovaquie, en Allemagne, en Hongrie en Italie, en France au mois d’octobre, mais également en Espagne avec des conséquences absolument dramatiques pour les populations impactées.
Conséquence de ces évolutions : les pertes de récoltes ont triplé en Europe au cours des 50 dernières années et continueront malheureusement d’augmenter, mettant en péril les moyens de subsistance des producteurs et parfois la sécurité alimentaire des populations défavorisées. On note ainsi que la France n’est plus autosuffisante en termes de production agricole pour satisfaire les besoins de la population et qu’elle doit se tourner vers l’importation.
L’impact de ces dérèglements en France …
Tout d’abord, à une période de sécheresse persistante, dont certains départements ou régions continuent d’ailleurs d’en souffrir (les Pyrénées Orientales, par exemple) a succédé la multiplication d’épisodes pluvieux intenses, avec d’importantes inondations locales.
L’excédent pluviométrique a atteint 40 % au mois d’octobre par rapport aux normales constatées sur la décennie 1991-2020, avec en moyenne 132 mm de pluie à l’échelle du pays, soit 132 litres au m² (!), après un mois de septembre également très pluvieux depuis 25 ans (+60 %).
Dans ce dernier cas, cela ne signifie pas que les nappes phréatiques sont pleinement rechargées, dans la mesure où les terres, par manque d’eau pendant plusieurs mois, sont devenues très hermétiques, ce qui a pour effet d’amplifier le cycle des inondations et l’évacuation de l’eau directement dans les fleuves, mers et océans.
+1,9°C : c’est le niveau de réchauffement actuel en France (moyenne sur la dernière décennie), par rapport à la période 1850-1900, si l’on se réfère au dernier rapport du Haut conseil pour le climat (à l’échelle mondiale, ce réchauffement est estimé à +1,1°C).
Et avec ses près de 6.000 km de côte (en métropole), la France est l’un des pays européens les plus menacés par les inondations côtières, dont le risque est renforcé par la montée des eaux et l’érosion engendrées par le changement climatique.
La situation n’est pas meilleure dans nos départements ou territoires d’outre-mer : destructions des récifs coralliens qui protègent les côtes, érosion, submersions marines causées par l’intensification des tempêtes, élévation du niveau de la mer, le réchauffement et l’acidification des océans suscitent de vives inquiétudes, avec un risque d’inhabilité progressive des zones côtières et de la hausse de la fréquence des cyclones de catégorie 4 à 5, c’est-à-dire des vagues de six à neuf mètres à la côte, et des vents de plus de 300 kilomètres en rafales.
On évalue le nombre de personnes vivant dans des zones à risque à 900.000 environ. Il pourrait passer à plus d’1,5 million d’ici la fin du siècle, si les émissions restent élevées.
… et en Île-de-France …
L’Île-de-France est l’une des régions les plus urbanisées en France : de fait, elle subit souvent des épisodes de très fortes chaleurs, notamment à cause de l’effet « îlot de chaleur urbain » qui peut entraîner jusqu’à 10 degrés d’écart entre une ville et les territoires ruraux.
Le béton, le bitume, le goudron captent dans la journée la chaleur pour la libérer la nuit, ce qui ne permet pas un refroidissement suffisant de l’air.
Les zones urbaines sont particulièrement concernées par ce risque, avec un écart qui peut aller jusqu’à +12°C entre les zones rurales et les plus grandes villes. La chaleur peut entraîner de graves conséquences pour la santé : on estime que 35 % des morts liées à la chaleur durant l’été entre 1991 et 2018 sont imputables au changement climatique.
Les perspectives à l’horizon de 2050 laissent présager une aggravation des périodes de chaleur, avec des températures pouvant aller jusque 50 ° sur une durée de 15 jours supplémentaires par an ; conséquence, des pics de pollution plus nombreux, des détresses respiratoires, des pénuries d’eau, des travailleurs davantage éprouvés, particulièrement dans certains secteurs d’activité (BTP, …), une surmortalité liée aux canicules (à titre d’exemple, on l’estime à 7.000 morts supplémentaires en 2022 en France) qui pourrait atteindre 200% sur Paris.
D’ores et déjà, des épisodes de grande chaleur et de fortes pluies se succèdent, à un rythme plus soutenu. Les épisodes de canicule se produisent bien plus souvent, sur des périodes plus longues (avant et après l’été), avec une forte intensité. S’il n’y avait pas eu d’aggravation climatique, la canicule de juillet 2019 – au cours de laquelle une température record de 42,6 °C a été constatée à Paris – n’aurait eu qu’un risque sur 20.000 de se produire. Et si le réchauffement atteint +2 °C, ce risque pourrait atteindre 25% et plus d’un tiers de la population de cette zone pourrait manquer d’eau…. Les régions sèches, comme le sud de la France, le seront davantage dans le futur, avec des répercussions importantes sur l’agriculture, la biodiversité, les forêts…
Si l’on se base sur les projections actuelles, la région Île-de-France, qui enregistrait entre 6 à 9 jours de canicule par an à la fin du XXe siècle, pourrait en connaître 23 à 30 jours d’ici 2050. Si le réchauffement atteint +4 °C en France, ce qui est probable, des pics de chaleur inédits pourraient dépasser les 50 °C. D’ici 2080, on pourrait observer des canicules de 34 jours par an, avec 35 nuits tropicales (c’est-à-dire avec des températures supérieures à 20 °C), soit 8 fois plus qu’aujourd’hui. Un été comme celui de 2022, considéré comme extraordinairement chaud, pourrait finalement devenir la norme, dès 2030.
Récemment encore, au mois d’octobre 2024, dans les Yvelines, il est tombé environ 40mm et même jusqu’à 50mm de pluie localement, avec des évacuations préventives. Dans l’Essonne, les axes RD 988 secteur Limours/Forges les Bains (lieu-dit Malassis), RD 97 secteur de Forges les Bains et RD 05 au niveau de Chatignonville/Corbreuse ont été fermés pour cause d’inondation. Une partie de l’Île-de-France est placée en vigilance orange pluie-inondation le 17 octobre dernier : l’Essonne, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne, les Yvelines, le Val-d’Oise et Paris.
À Paris (149 mm enregistrés en moyenne) et dans les Hauts-de-Seine (157 mm en moyenne), octobre 2024 est le deuxième mois d’octobre le plus pluvieux depuis 1981. À Trappes (Yvelines), le cumul de pluie atteint même une valeur inédite pour un mois d’octobre, avec 169 mm. Plusieurs villes de Seine-et-Marne et de l’Eure-et-Loir ont également été inondées après le passage de la dépression Kirk le 9 octobre, accompagnée de rafales de vents importantes (jusqu’à 211 km/h).
Quelles mesures pour éviter lutter contre les effets négatifs sur l’environnement et la dégradation des conditions climatiques ?
La tentation de l’utilisation accrue de la climatisation n’est sans doute pas la solution : elle augmente la chaleur environnante, émet des gaz à effet de serre et n’est, par ailleurs, pas accessible à tous.
Tout nouveau projet, toute nouvelle production, toute nouvelle construction doivent tenir compte, au moment de leur conception de leurs conséquences sur l’environnement. Toutes les technologies dites écologiques doivent être encouragées et un effort particulier doit être entrepris pour favoriser la réparation – donc la durée et le recyclage des produits.
La réduction de la consommation des ressources doit être une priorité, qu’il s’agisse de l’eau ou des productions carbonées, en recherchant et en produisant des sources d’énergie renouvelables, en améliorant le rendement des carburants des véhicules, qui doivent être plus « verts », mais en réduisant également la consommation électrique ou la consommation d’eau des appareils ménagers, ou en renforçant la politique d’isolation des bâtiments, en les rendant moins énergivores. Sur ce dernier point, des normes doivent être imposées lors de la création de nouveaux bâtiments.
Mais ce que nous constatons tous, c’est l’enchaînement des perturbations, avec un niveau de précipitations sans précédent. Il y a fort à parier que cette tendance ne s’inversera pas, si l’on en juge par les actions mises en œuvre par les pouvoirs publics, locaux ou nationaux, en France et au-delà de nos territoires.
Les populations, directement exposées aux aléas climatiques, sont insuffisamment préparées aux situations d’urgence. Des consignes claires en amont peuvent pourtant épargner des vies précieuses.
Les habitations doivent être mieux protégées des inondations, en renforçant les collectes d’eau (triplement des canalisations de captage d’eau pluviale et création de bassins de récupération dans les zones périphériques), mais aussi en refusant les permis de construire en zones inondables. Et même en déplaçant les constructions et habitations les plus menacées. C’est de la responsabilité des Maires et des collectivités locales et régionales.
L’artificialisation des sols doit être stoppée. Le goudronnage, le bétonnage ne permettent plus à l’eau de pénétrer dans les sols. Les cours d’eau dans les villes doivent être davantage drainées et déroutées en évitant les lignes droites d’évacuation, qui facilitent les débordements.
Il faut encourager le reboisement des périphéries urbaines et la végétalisation des villes, pour faciliter le drainage de l’eau et assurer également, par ailleurs, des îlots de fraîcheur à leurs habitants.
Un effort particulier doit porter sur le réaménagement des territoires, pour faciliter l’utilisation des offres multi-transports électriques ou à hydrogène et limiter l’usage des véhicules individuels très polluants, en veillant à assurer une égalité de traitement entre les territoires ruraux et les zones urbaines.
Les organisations syndicales doivent porter un certain nombre de revendications auprès des structures régionales, de nature à assurer une cohésion entre tous les secteurs du transport, un service de qualité aux usagers et à préserver nos emplois et nos acquis sociaux.