26 mars 2025 – Candice Pietralunga

Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-19.813 B

L’employeur peut valablement poursuivre la procédure de rupture du contrat en dépit de la contestation d’un avis d’inaptitude par le salarié. Pour la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 mars 2025, celle-ci n’est pas subordonnée à la décision judiciaire sur le recours formé contre l’avis du médecin du travail.

Un salarié en situation de handicap a été embauché et le médecin du travail l’a qualifié d’apte au poste de technicien de maintenance données moyennant certains aménagements de poste. L’intéressé fait l’objet (dans les neuf mois de son embauche) d’une déclaration d’inaptitude avec dispense de l’employeur de recherche de reclassement (C. trav., art. L.  1226-2-1). Il conteste alors cet avis.

Pour le médecin-inspecteur du travail (dans le contexte de l’expertise médicale sollicitée par le juge prud’homal), le salarié est inapte à son poste mais il est déclaré en capacité d’occuper « un poste administratif ou technique comportant une faible autonomie avec un traitement séquentiel des opérations et des tâches d’une complexité modérée, avec un soutien constant ».

Le salarié obtient son annulation par ordonnance du conseil de prud’hommes sur le fondement de l’expertise et vient dans la foulée solliciter en justice, cette fois, la remise en cause de son licenciement ou plus précisément en l’espèce de la rupture de son stage statutaire (s’agissant d’un salarié embauché, sous le régime des industries électriques et gazières, qui prévoit un stage d’un an avant l’embauche « classique »).
 
Pour la cour de d’appel, le salarié a été victime d’une discrimination en raison de son handicap. La rupture de son stage statutaire est nulle et sa réintégration à un poste adapté aux préconisations formulées par le médecin-inspecteur du travail dans son rapport d’expertise s’impose.

Toujours pour la cour d’appel, l’employeur devait reprendre la procédure de licenciement et exécuter son obligation de reclassement (dans le cadre de l’avis du médecin-inspecteur du travail) selon les préconisations intervenues ultérieurement à la rupture du contrat. Elle annule le licenciement sur ce fondement.
Et l’employeur n’a pas, pour la cour d’appel, justifié par des raisons objectives la rupture du contrat à partir de l’avis du médecin du travail et ce alors que le salarié a contesté cet avis en justice. Et il n’a pas apporté la démonstration d’avoir pris toutes les mesures possibles pour maintenir le salarié dans un emploi et ce malgré son handicap.

La contestation contentieuse de l’avis d’inaptitude par le salarié n’est pas synonyme de temps mort sur le terrain de la rupture du contrat pour l’employeur.

Pour la Cour de cassation, la contestation par le salarié de l’avis d’inaptitude n’empêche pas l’employeur de procéder à la rupture du contrat. Ainsi, « la rupture du contrat de travail en raison de l’inaptitude du salarié régulièrement constatée par le médecin du travail n’est pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud’hommes sur le recours formé contre l’avis de ce médecin ». L’employeur peut arrêter sa décision sur la base d’un avis médical valide à la date de la rupture et le dispensant de rechercher des mesures de reclassement.

En d’autres termes, il n’est pas tenu d’attendre la décision prud’homale statuant sur l’avis d’inaptitude afin de poursuivre la procédure de licenciement. Le fait que ce dernier soit contesté en justice n’emporte pas de conséquences. La Cour de cassation se fonde pour cela sur les articles L. 1133-3, L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail (dans le cadre du régime mis en place par la loi dite El Khomri du 8 août 2016 ).

Pour mémoire, employeurs et salariés peuvent contester dans un délai de quinze jours un avis d’inaptitude devant la juridiction prud’homale statuant selon la procédure accélérée au fond. S’il est fait droit à la contestation de l’avis, la décision judiciaire vient se substituer à l’avis médical initial.

La confirmation de la discrimination liée au handicap

En revanche, dans l’affaire en cause, l’employeur demeure condamné pour discrimination pour n’avoir pas mis en œuvre les aménagements préconisés dès l’origine par la médecine du travail (dans l’avis initial d’aptitude au poste) s’agissant d’un salarié en situation de handicap

(Voir aussi Cass. soc., 3 juin 2020, no 18-21.993 Cass. soc., 15 mai 2024, no 22-11.652 ).