31 mars 2025 – Laurent Moins

Il appartient au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée, énonce la Cour de cassation dans une décision rendue le 26 mars 2025.

L’article 145 du Code de procédure civile permet de demander, avant l’engagement d’un procès, des mesures d’instruction afin de conserver ou d’établir la preuve de faits sur lesquels pourrait dépendre la solution du litige.

Ce texte s’applique lorsqu’il existe un motif légitime le justifiant.

Titulaire de mandats syndicaux et représentatifs depuis 2015 et s’estimant victime d’une discrimination syndicale, une salariée a saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale pour obtenir, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, la communication par son employeur d’un certain nombre d’informations lui permettant de procéder à une comparaison de sa situation avec celle de dix de ses collègues de travail.

Pour rejeter la demande de communication de pièces, la Cour d’appel de Paris a retenu que la salariée, qui a établi « son panel » après consultation du registre unique du personnel et exploitation des informations communiquées par l’employeur, soutient qu’il existe une disparité entre ses collègues du panel et sa propre évolution mais ne verse elle-même aux débats aucun élément et surtout ne s’explique nullement sur le choix des salariés et des évolutions de carrière, alors que l’employeur justifie, au moins pour l’un des salariés du panel, que celui-ci n’est pas dans une situation identique ou équivalente à la salariée.

Les juges du fond en déduisent, qu’au regard des éléments dont elle a, ou peut avoir, communication, la salariée ne justifie pas de l’utilité et de l’intérêt de la mesure sollicitée au regard des salariés spécifiquement dénommés en l’espèce de sorte que le motif légitime n’est pas établi.

À tort, selon les magistrats de la Cour de cassation.

Selon ces derniers, dans un premier temps, il incombait aux juges du fond de rechercher si la communication des pièces demandées par la salariée n’était pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi. La salariée faisait valoir dans ses conclusions qu’elle se comparait avec des personnes entrées dans l’entreprise au départ dans une situation en tous points comparable à la sienne et que son panel était composé de tous les salariés présents aux effectifs, ou partis depuis moins de cinq ans, qui avaient été embauchés dans l’entreprise, à la même période, au même niveau de qualification et de classification de la convention collective.

Enfin, dans un second temps, les magistrats de la Cour d’appel de Paris auraient dû rechercher si les éléments dont la communication était demandée étaient de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, quelles mesures étaient indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant d’office le périmètre de la production de pièces sollicitées.

Source commentée :

Cass. soc., 26 mars 2025, no 23-16.068, B