Mardi 26 août dernier, le Premier ministre François Bayrou était l’invité de l’université de rentrée de la CFDT à Bierville.

Au lendemain de son annonce inattendue de l’appel à un vote de confiance le 8 septembre prochain par les députés, on s’attendait que le Chef du gouvernement précise les contours de son projet de budget basé sur une économie de près de 44 milliards d’euros, visant à limiter le déficit de la France (3.300 Mds€) et ses effets sur l’économie.

A vrai dire, il n’est pas ressorti grand-chose de cette intervention, même s’il a tenté d’ajouter quelques propositions comme une taxation sur l’optimisation fiscale, sans en préciser l’ampleur, ou la suppression de niches fiscales, jugées injustes et inutiles.

Dans son intervention, François Bayrou a rappelé que la consultation du 8 septembre ne portait pas sur les propositions budgétaires gouvernementales, mais sur le principe d’une reconnaissance par l’ensemble des forces politiques de l’existence d’une dette très lourde, dont le remboursement constituera bientôt le premier poste budgétaire du pays et de l’urgence de la résorber.

Une petite comptine, du style : « la pluie mouille » …

En effet, personne, dans ce pays, ne peut nier le poids excessif de l’endettement sur les finances publiques de la France. Et d’ailleurs, personne, parmi la représentation nationale, ne le conteste ; la charge de la dette, de 67 Mds€ en 2025, croîtra, selon les projections, mécaniquement chaque année : 80,1 Mds€ en 2026, 89 Mds€ en 2027, 98,3 Mds€ en 2028, 107,7 Mds€ en 2028 [1]

La question porte davantage sur les conditions qui permettront de le stabiliser puis de le réduire.

Un objectif irréaliste …

Dans un premier temps, on se demande pour quelle raison le gouvernement se fixe un objectif aussi élevé de 43,8 Mds€ d’économies dès 2026.

Si l’on vise un ajustement nécessaire pour stabiliser la dette française à environ 3,5 points de PIB et réaliser des économies de l’ordre de 120 Mds€ d’ici à 2029, pourquoi ne pas étaler cet effort, sur 4 ans, à raison de 30 Mds€ par an, objectif déjà difficile à réaliser mais moins inaccessible ? il convient de se concentrer sur la cible à atteindre, de manière coordonnée et cohérente. L’OFCE [2] ne dit d’ailleurs pas autre chose, en proposant un effort plus étalé dans le temps.

En allongeant cet effort dans la durée, nous ne subirions pas le psychodrame auquel nous assistons ces dernières semaines …

Un « effort équitable » injustement réparti …

Le plan proposé par le Premier ministre soulève de nombreuses interrogations. Il s’appuie sur une série de ponctions tous azimuts, construites dans l’urgence, sans concertation préalable, sans projection ni analyse des conséquences auxquelles elles conduisent.

Les « rabotages »  contenus dans le plan de réduction des dépenses publiques manquent de cohérence et s’abattent au détriment des populations les plus en difficulté. Quant à la promesse selon laquelle le gouvernement se refuse à augmenter les impôts, elle se brise sur la réalité des faits : la multiplication des évolutions de taxes à tous niveaux.

Comment retrouver des marges de manœuvre budgétaires ?

Ce qui ne figure pas dans le plan gouvernemental, ce sont les projets destinés à stimuler la croissance. Et l’on peut s’étonner qu’un ancien Commissaire au plan, qui a piloté cette institution depuis sa date de création, en 2020, censé « éclairer les choix des pouvoirs publics » sur les questions démographiques, économiques, sociales, environnementales, sanitaires, technologiques et culturelles, soit à ce point incapable de projeter le pays vers l’avenir !!! 

En vérité, depuis le premier mandat du président Macron, il est impossible d’énoncer un quelconque projet significatif, en mesure de relancer l’activité du pays. On a bien parlé de vagues intentions de réindustrialisation, d’investissements … mais dans quels domaines, vers quels objectifs ? à peine a-t-on retenu la construction de 6 futurs réacteurs nucléaires EPR [3] dernière génération et, plus récemment, le renforcement de la Loi de programmation militaire pour moderniser les capacités de défense du pays … un peu court en 8 ans de mandat.

Or, sans croissance, sans évolution significative des carnets de commandes et des investissements, pas d’évolution positive des emplois, ce qui amplifiera la baisse des cotisations, l’augmentation des déficits, d’autant plus dans un paysage commercial aussi instable et défavorable (impact de l’augmentation des taux de douane américains, concurrence agressive de la Chine, une Union européenne aux abonnés absents) …

C’est ce volet, celui de la planification de futurs projets pour le pays, qu’on attendait dans le plan gouvernemental, qui en est totalement absent et fait cruellement défaut.

Car si les ressources du pays augmentent, elles permettront de compenser les dépenses, voire de les dépasser, de rétablir les équilibres, ce qui n’interdit évidemment pas d’effectuer des économies, là où elles sont nécessaires, pour alléger les ponctions fiscales sur les ménages et les entreprises.

Le retour à une instabilité politique chronique …

La probable censure du gouvernement à l’Assemblée, en ce début de rentrée, replonge le pays dans une instabilité inquiétante et préjudiciable à son activité, donc à ses citoyens, sur le plan économique et social.

Une clarification électorale apparaît aujourd’hui indispensable pour redonner un peu de vision en l’avenir.


[1] Haut Conseil des Finances publiques, plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) à partir de 2026.

[2] Observatoire Français des Conjonctures Economiques – Etude : « Quelles trajectoires pour les finances publiques de la France ? » – 11 juillet 2025.

[3] Le projet EPR (European Pressurized Reactor) a été initié, à la fin des années 1980, avec l’objectif d’améliorer sensiblement la sûreté et la protection de la population et de l’environnement contre les rayonnements ionisants.