Depuis de nombreuses décennies, le sujet de l’intelligence artificielle (I.A.) génère toute une série de fantasmes, tout particulièrement sur le point de savoir si des robots, humanoïdes ou non, viendront un jour supplanter les êtres humains, voire se retourner contre eux et s’emparer de notre planète.

La filmographie est abondante à ce sujet. Citons, parmi les plus anciens longs métrages, ceux des plus fameux et des plus connus, Metropolis de Fritz Lang, en 1920 ou 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, en 1968. Plus récemment, en 1984, Terminator, de James Cameron, ou, en 1999, Matrix des frères Machowski, ou encore « I, Robot », en 2004, d’Alex Proyas. Chacun, à sa manière, évoque un écosystème robotisé, en duel avec l’Humanité, en rébellion, voire animé d’une volonté meurtrière à son endroit, de quoi générer bien des angoisses …

Jusque-là, ces récits, ces films alimentaient les scenarii de science-fiction, plus ou moins extravagants.

Mais depuis le début du XXI° siècle, les développements rapides de l’intelligence artificielle ont commencé à prendre forme et dépassé la simple représentation d’un humanoïde hors de contrôle, prêt à tout pour se jouer de ses géniteurs.

Elle a pénétré tous les secteurs de nos activités, sans que nous en soyons toujours vraiment conscients et transforme progressivement notre quotidien.

L’I.A. déjà présente dans nos véhicules …

L’une des applications les plus concrètes se manifeste lors de l’utilisation de nos véhicules personnels ou professionnels, avec l’optimisation avancée des itinéraires et la gestion du trafic.

Par la collecte et l’analyse des données, les systèmes d’I.A. utilisent une multitude de sources de données, pour établir des prévisions précises sur les données historiques du trafic, en modélisant les tendances passées pour identifier les schémas récurrents de congestion : par exemple, l’impact des conditions météorologiques, pluie, neige ou brouillard qui influencent la circulation ; l’I.A. permet d’ajuster les prévisions en conséquence. Ou bien la prise en compte d’événements locaux : manifestations, concerts ou travaux routiers qui permet d’anticiper les perturbations. Ou encore le rôle joué par les capteurs IoT et les caméras de surveillance dans les villes qui fournissent des données en temps réel sur la densité du trafic.

L’I.A. joue également un rôle dans la modélisation prédictive et l’ajustement dynamique, grâce aux algorithmes de machine learning et de deep learning, où les réseaux neuronaux artificiels – des algorithmes conçus pour fonctionner comme le cerveau humain – s’enrichissent eux-mêmes à partir de grandes quantités de données. Ainsi, elle permet de prédire les embouteillages, en combinant plusieurs facteurs et d’anticiper les congestions avant qu’elles ne surviennent. Les systèmes ajustent les trajets et optimisent les itinéraires en fonction des conditions actuelles et prévues. Certains autres systèmes, comme Google Green Light, modifient la durée des feux en fonction du trafic pour fluidifier la circulation et réduire les émissions.

Grâce à ces systèmes de navigation intelligents, des applications comme Google Maps et Waze proposent des itinéraires alternatifs.

Enfin, pour faciliter la mobilité urbaine, des plateformes comme Azoth prédisent la disponibilité des véhicules et des places de stationnement avec une grande précision.

Une autre utilité de l’intelligence artificielle, c’est la détection avancée des comportements à risque et donc, le renforcement de la sécurité et la prévention des accidents.

Ainsi, les systèmes d’I.A. utilisent des capteurs, des caméras et des algorithmes sophistiqués pour surveiller, en temps réel, l’environnement du véhicule et le comportement du conducteur. Par exemple, des technologies comme Driver Risk Insights analysent les phases d’accélération, de freinage et la manière dont les virages sont pris pour identifier les conducteurs présentant un risque élevé.

L’I.A. ne se contente pas de détecter les risques, elle intervient aussi pour corriger les erreurs. Dans de nombreux modèles de véhicules en série, aujourd’hui, on peut noter quelques aides à la conduite, comme l’alerte de franchissement de ligne, grâce à la surveillance de la position du véhicule et l’émission d’un avertissement sonore en cas de déviation involontaire, ou la détection de la fatigue du conducteur, grâce à l’analyse de ses mouvements et l’émission d’alertes en cas de somnolence, ou encore le freinage automatique d’urgence, qui permet d’activer les freins, en cas de détection d’un obstacle imminent.

La surveillance des comportements des conducteurs pour réduire les risques.

En prolongement, les modèles d’I.A. parviennent à exploiter des données en temps réel pour anticiper les situations dangereuses. Par exemple, une analyse des historiques d’accidents permet d’ajuster la conduite et d’identifier des zones à haut risque. Elle peut aussi offrir des propositions de trajets plus sûrs en fonction des conditions de circulation, optimisant ainsi les itinéraires.

L’I.A. joue également un rôle après un accident, en facilitant une intervention rapide après en avoir évalué l’impact, une analyse de l’intensité de la collision et la transmission de ces données aux secours, en ajustant automatiquement en fonction des données recueillies lors de l’impact pour optimiser les airbags et les ceintures de sécurité et en envoyant automatiquement des alertes aux  services d’urgence, en cas d’accident grave.

… qui concerne également le secteur professionnel …

L’I.A. permet d’optimiser les trajets, en analysant en temps réel les données sur le trafic, la météo et les conditions routières.

Par exemple, le système ORION d’UPS ajuste les itinéraires pour minimiser la consommation de carburant, économisant ainsi des millions de litres chaque année.

De plus, les entreprises de logistique ajustent leurs itinéraires pour éviter les retards et réduire leurs coûts, assurant ainsi une meilleure gestion de leurs flottes.

Les entreprises de transport utilisent l’I.A. pour surveiller, par exemple, la consommation énergétique de leurs véhicules et optimiser leur utilisation. Certaines flottes intègrent des véhicules autonomes, qui adaptent leur conduite pour limiter les arrêts inutiles et réduire la pollution.

L’I.A. permet également de prévoir les besoins en maintenance, évitant ainsi les pannes et les surconsommations.

Elle ouvre également la voie à l’automatisation des entrepôts et à la gestion intelligente des stocks …

L’I.A. permet une gestion ultra-efficace des entrepôts, grâce à des robots autonomes et des systèmes intelligents. Ces technologies combinées réduisent les erreurs humaines et accélèrent le traitement des commandes.

Par exemple, les robots mobiles et les bras robotiques peuvent localiser et déplacer les articles rapidement, minimisant ainsi les erreurs et économisant du temps.

Mais les systèmes d’I.A., grâce à l’utilisation de capteurs et d’algorithmes sophistiqués, permettent aussi de suivre les stocks en temps réel, évitant les erreurs de comptage et garantissant une gestion fluide et efficace.

Des drones sont également utilisés pour surveiller les niveaux de stock, de manière quasiment permanente et fournir des informations instantanées sur l’état des marchandises, là où il fallait plusieurs jours pour établir un inventaire.

Il est également possible d’anticiper les fluctuations de la demande, en utilisant des modèles prédictifs qui analysent les tendances de consommation et ajustent les niveaux de stock en conséquence.

Cela permet aux entreprises de réduire les coûts liés au surstockage et aux ruptures de stock.

Dans ce cadre, l’I.A. peut intégrer des données économiques globales et des comportements d’achat précédents pour affiner ses prévisions. Des plateformes comme Amazon, par exemple, utilisent l’I.A. pour ajuster leurs stocks en fonction des tendances et de l’historique des achats, de leur fréquence, des montants dépensés, de la localisation, de la saisonnalité, des événements influençant les décisions d’achat, du temps passé sur un site, des clics effectués, des recherches et des préférences de navigation. Et les entreprises optimisent leur production en fonction des prévisions de demande.

Les algorithmes de machine learning permettent de proposer des recommandations précise, avec des suggestions de produits basées sur les achats précédents et les préférences, dans le e-commerce, ou, dans le domaine du streaming, des plateformes comme Netflix et Spotify les utilisent pour recommander des contenus adaptés ou dans le secteur du Retail (commerce de détail), l’un des piliers de l’économie mondiale, qui représente l’ensemble des activités liées à la vente de biens ou de services aux consommateurs finaux.

Depuis plusieurs années, le Retail a connu une transformation profonde due à l’émergence des nouvelles technologies, aux attentes changeantes des consommateurs et à l’influence croissante du commerce en ligne.

Le Retail physique permet une personnalisation des promotions et des offres en magasin.

D’ailleurs, Les entreprises utilisent l’IA pour affiner leurs stratégies marketing, en affichant des annonces adaptées aux préférences des utilisateurs, en créant des groupes de consommateurs basés sur des comportements similaires (segmentation avancée) ou en envoyant des messages au bon moment pour maximiser l’engagement.

En utilisant l’I.A., les systèmes de gestion des stocks peuvent automatiser le processus de commande et de réapprovisionnement, garantissant des niveaux de stock optimaux, éliminant les erreurs humaines et assurant un approvisionnement constant, sans surplus ni pénurie.

Les robots autonomes améliorent également la sécurité des salariés, en prenant en charge les tâches répétitives et physiquement exigeantes. Ils permettent également d’optimiser les flux logistiques en réduisant les délais de traitement des commandes.

De fait, l’automatisation des entrepôts modifie le rôle des employés, qui passent de tâches physiques quelquefois pénibles à des missions de supervision et de maintenance.

Des applications autonomes concrètes et en devenir …

… avec des robots-taxis …

Après quelques échecs et une multiplication de tests en circuit, une expérimentation « grandeur nature » de véhicules autonomes a été menée à San Francisco. Depuis plus d’un an, 500 robots-taxis, gérés par la société Waymo, filiale de Google, ont fait de cette ville un laboratoire à ciel ouvert.

Après des premiers mois émaillés de nombreux dysfonctionnements, les conditions de circulation se sont nettement améliorées et les mesures de sécurité ont été renforcées.

L’expérience s’est d’ailleurs étendue à Los Angeles et à Austin, dans le Texas.

A l’évidence, il s’agit là d’une avancée technologique majeure. Les véhicules autonomes reposent sur des systèmes d’I.A. sophistiqués qui combinent vision par ordinateur, capteurs LiDAR développés par la société Valeo capables d’assurer la détection d’objets, d’obstacles et l’estimation de la distance par laser, radars et algorithmes de deep learning pour naviguer sans intervention humaine.

Les principaux opérateurs encore en course, après un certain nombre de déboires qui en ont découragé quelques-autres comme General Motors, sont Waymo, Tesla et dernièrement Amazon, qui s’est implanté à Las Vegas.

Ils s’attacheront à développer des voitures capables de gérer des trajets complexes en toute sécurité, avec des systèmes autonomes réagissant plus rapidement aux obstacles et aux imprévus, ajustant les trajets en fonction du trafic et des conditions météorologiques et en minimisant les coûts des entreprises de transport, avec les économies réalisées par la baisse du nombre de chauffeurs.

… des drones aériens …

Au-delà des robots-taxis, d’autres engins volants sans équipage, dont le pilotage est automatique, sont également en cours d’exploitation. Il s’agit des drones et tout particulièrement des drones de livraison, qui offrent rapidité et accessibilité.

Les drones sont particulièrement utiles pour les livraisons en zones rurales ou difficiles d’accès.

Retenons des entreprises comme Zipline qui a lancé ses activités commerciales en 2016, aujourd’hui présente sur quatre continents et qui effectue une livraison toutes les 60 secondes dans le monde et dessert plus de 5.000 hôpitaux et établissements de santé ou La Poste, en France, qui opère la livraison de colis par drone sur trois lignes commerciales, en partenariat avec Atechsys, l’une dans le Var depuis 2016, la deuxième en Isère depuis 2019, et la dernière dans le Vercors depuis 2024.

Sur cette dernière ligne, La Poste propose une solution transverse, en partenariat avec DPD France et Chronopost.

Les drones peuvent transporter une charge jusque 10 kilos sur une distance maximale de 10 km.

Grâce à une conception qui tient compte de la protection de l’environnement et d’une réduction des impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie et à tous les stades (extraction des matières premières, production, distribution, utilisation et fin de vie), cette écoconception et sa motorisation électrique permettent de réduire l’empreinte écologique de la livraison dans un environnement protégé qui est celui du Vercors, contribuant à réduire l’émission de CO².

Pendant toute la phase de livraison, le vol du drone est entièrement automatique et placé sous la supervision d’un opérateur distant, parvient à distribuer en silence cinq communes du plateau du Vercors en moins d’une heure, au lieu de 2 heures par transport routier, ce qui représente plus de 65 km de route de montagne évités.

Plusieurs opérateurs français ont renforcé l’utilisation des drones pour leurs livraisons. Citons, parmi eux :

  • DPD, qui a, depuis 2016, déployé deux lignes officielles de livraison de drones,
  • Survey Copter, filiale d’Airbus, associée à Colis Privé en 2021, pour tester la livraison e-commerce par drone,
  • Cdiscount, qui a créé le « projet Pélican », en association avec Air Marine.

… et des drones terrestres …

Des drones terrestres, guidés par GPS, de capacité de chargement bien plus élevée, plus rapides, livrent aussi les clients dans un rayon kilométrique restreint (4 km), en adaptant la livraison aux horaires du client et non à ceux du transporteur, à la demande croissante des marques et du e-commerce. 

L’impact de l’IA sur les emplois dans le transport

L’I.A. permet d’automatiser de nombreuses tâches, ce qui peut laisser craindre la disparition progressive de certains postes, à titre d’exemples :

  • avec le développement des véhicules autonomes, les chauffeurs de taxi, de bus et de camions pourraient voir leur rôle évoluer ou diminuer,
  • les entrepôts automatisés et les systèmes de gestion intelligents réduisent le besoin de personnel pour la gestion des stocks et la préparation des commandes,
  • la maintenance prédictive basée sur l’I.A. diminue la nécessité d’interventions humaines fréquentes (pour les Opérateurs de maintenance).

Toutefois, si certains postes disparaissent, l’I.A. en crée aussi de nouveaux, à titre d’exemples :

  • des Techniciens spécialisés en IA et robotique, pour superviser et entretenir les systèmes automatisés,
  • des Analystes de données et des Experts en cybersécurité, pour gérer les flux d’informations et protéger les infrastructures numériques,
  • des Développeurs et des Ingénieurs en I.A., pour concevoir et améliorer les algorithmes utilisés dans les transports.

Cette transition peut donc améliorer la satisfaction au travail et réduire les risques liés aux tâches répétitives, mais il faut, malgré tout, prendre conscience de la disparition éventuelle d’un certain nombre de métiers généralement attribués à des personnes peu qualifiées.

Les Elus au sein-même des entreprises doivent se mobiliser …

Il n’est pas envisageable d’accepter que des dizaines de milliers de personnes restent sur le bord du chemin.

Il est de la responsabilité des représentants syndicaux, notamment de la CFDT, de porter ce sujet auprès de leurs employeurs.

Ces derniers doivent se projeter sur leur métier, l’évolution de leurs exploitations, évaluer la nature et l’importance de leurs investissements technologiques, techniques et matériels. Car les effets de l’I.A. sur les qualifications sont complexes. Elles dépendent en grande partie des orientations stratégiques de l’employeur : soit une automatisation généralisée de l’exploitation, soit l’utilisation des machines pour accompagner les salariés sur leurs postes de travail.

Ces informations doivent être transmises aux Représentants du Personnel.

Car les salariés doivent s’adapter à ces nouvelles technologies, avec, d’une part, une formation aux outils numériques, l’apprentissage des logiciels de gestion I.A. et des systèmes automatisés et, d’autre part, une reconversion nécessaire vers des métiers plus stratégiques, avec moins de tâches répétitives, plus de supervision et de gestion.

Selon la nature des tâches et leur complexité, l’I.A. peut conduire soit à une baisse, soit à une montée en qualification.

Côté positif, elle nécessitera donc de revoir l’organisation du travail et de mieux planifier les activités. On peut aussi considérer que les systèmes de pilotage automatique réduiront les risques d’accidents et les travaux pénibles.
Côté négatif, par exemple, dans le secteur des transports, les systèmes automatiques transmettront des informations à des agents qui ne seront plus que de simples exécutants, retirant toute capacité d’initiative et tout intérêt à leur métier …

Il faudra également être attentifs au risque d’une certaine forme d’isolement des personnels, s’ils n’ont pour tout interlocuteur que des machines.