12 février 2025 – Loudenie Bosse

Cass. soc., 5 févr. 2025, n° 22-24.000, B

Les différences de traitement, entre des salariés appartenant à la même entreprise, opérées par un accord de substitution négocié et signé par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. La Cour de cassation réaffirme cette possibilité de maintenir des avantages acquis pour certains salariés lors d’une fusion-absorption dans un arrêt du 5 février 2025.

Dans cette affaire, après plusieurs fusions, un salarié a été muté sur un site précédemment exploité par une autre société, absorbée par son employeur. Un accord d’entreprise garantissait aux salariés de l’ex-société absorbée une indemnisation des frais de transport, un avantage dont ne bénéficiaient pas les employés des autres sites. Estimant subir une inégalité de traitement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir le remboursement de ses frais de transport.

La cour d’appel ayant fait droit à sa demande car elle estimait que la différence de traitement était injustifiée, la société a formé un pourvoi. Cette dernière a estimé que la disparité résultait du maintien d’un avantage acquis conformément aux règles encadrant la mise en cause des accords collectifs, comme le prévoit le Code du travail.

Il convient de noter que la cour d’appel a affirmé que « cette différence concerne le coût des déplacements domicile-travail, lesquels sont exclus du champ du temps de travail effectif outre que le montant de l’avantage consenti varie selon le lieu de domicile choisi librement par le salarié. Elle repose ainsi entièrement sur des caractéristiques personnelles du salarié, relevant de sa vie privée et est donc étrangère à toute considération de nature professionnelle ».

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Elle rappelle le principe d’égalité de traitement dans le cadre de la fusion-absorption. Elle affirme qu’en l’espèce, la différence de traitement était justifiée. Cette distinction résultait d’un accord de substitution. Celui-ci maintenait, en effet, l’indemnisation des frais de transport pour les seuls anciens salariés du site de la société absorbée, lesquels en bénéficiaient à la date d’effet de l’accord ou l’avaient perçue auparavant. La Haute juridiction considère que cette différence de traitement n’était pas étrangère à toute considération de nature professionnelle.

Elle statue partiellement au fond en déboutant le salarié de sa demande tendant au remboursement d’indemnités kilométriques au titre de l’indemnisation de ses frais de transport. Dès lors, il convient de retenir que la différence de traitement ne contrevient pas au principe d’égalité, dès lors qu’elle résulte du maintien d’un avantage acquis dans le cadre d’une fusion-absorption et qu’elle est fondée sur des considérations professionnelles objectives.

Cette décision réaffirme la présomption de justification des différences de traitement issues d’un accord collectif.

Cette décision englobe deux points de droit :

– la mise en cause d’un accord collectif à la suite d’une opération de fusion-absorption et le maintien des avantages individuels acquis découlant de cet accord au profit des salariés de la société absorbée ;

– l’application du principe d’égalité de traitement en présence d’un accord collectif de substitution maintenant la prise en charge de frais de déplacement au profit des seuls salariés issus de la société absorbée et la refusant aux salariés issus de la société absorbante, nonobstant leur affectation sur le même le site qu’eux.

Elle est accompagnée d’un rapport, d’un rapport complémentaire et d’un avis, lesquels permettent de mieux comprendre l’historique des décisions de la Cour relatives à l’application du principe d’égalité de traitement en cas de fusion-absorption et d’accord de substitution.

Source commentée :

Cass. soc., 5 févr. 2025, n° 22-24.000, B